Billet MPM de mai 2025
Entre les murs et hors les murs
de la Maison de la Pédagogie de Mulhouse
Le titre de ce Billet MPM de mai 2025 reprend celui de la Rencontre-débat du 25 mars dernier. Et on pourrait continuer avec l’interrogation suivante : dans une période de crise profonde de notre système éducatif, quels espaces – mais aussi quels temps – pour échanger ensemble sur le devenir de l’école, de la pédagogie, de l’éducation ?Le 28 avril, Sarah Lamy nous emmène « Dans le sillage de Peter Senge » pour « explorer l’apprenance collective en formation d’adultes »
Entre les murs de la MPM : des espaces-temps de rencontres en toute indépendance
Pour rappel ou pour information de celles et ceux qui découvrent la MPM, ces espaces-temps de rencontres, en présentiel ou/et en visio, sont de deux ordres :
C’est l’occasion de fêter le premier anniversaire de la nouvelle version de notre Atelier « Dans le sillage des grand(e)s pédagogues ». Un Atelier co-animé par la MPM et le Rezo, dont la vocation est de faire découvrir des outils, des pratiques, des démarches, des dispositifs pédagogiques qui peuvent se présenter comme des « possibles » éducatifs susceptibles de répondre aux besoins des publics et aux enjeux de notre temps. Cet Atelier donne la priorité aux acteurs locaux.
- les Rencontres-débats sur des questions vives dans le champ de l’éducation, telles que la lutte contre l’échec scolaire, l’éducation globale, le défi écologique, l’esprit critique et la culture scientifique. L’intervention de Teddy Mayeko, maître de conférences en sciences de l’éducation à Cergy-Paris Université, le mardi 6 mai, se situe au croisement de ces 4 axes de préoccupations, en résonance avec les enjeux éducatifs de notre temps : en quoi l’IA est-elle source d’enrichissement et/ou d’appauvrissement pour les élèves ? Comme toujours, ces Rencontres-débats visent à dégager des pistes de réflexion et/ou d’action.
- les Rencontres « Dans le sillage des grand(e)s pédagogues » (en partenariat avec le Rezo). Il s’agit cette fois-ci d’aller à la découverte d’outils, de pratiques, de démarches, de dispositifs pédagogiques imaginés, expérimentés par des acteurs locaux et qui peuvent être considérés comme autant de « possibles » susceptibles de répondre aux besoins de formation des individus, dans le respect des valeurs de nos structures. C’est ce qu’a proposé, ce lundi 28 avril, Sarah Lamy, avec l’exploration de l’« apprenance collective » en formation d’adultes.
Dans les deux cas, ces rencontres donnent lieu à la rédaction de « Traces » accessibles sur notre site Internet : l’objectif est de faire sortir les propos tenus du cadre étroit des murs mouvants et du temps limité de leur énonciation. Il nous semble en effet important de les inscrire dans la durée et de les mettre à disposition de celles et ceux qui, un jour, peut-être, éprouveront le besoin de s’en inspirer, d’en faire leur miel ou de les partager avec d’autres.
A titre d’exemple, voici les liens pour accéder aux 2 dernières Traces réalisées :
- L’une à la suite de la Rencontre du 24 février, « Dans le sillage de la grande pédagogue Maria Montessori »
- L’autre, dans la foulée de la Rencontre-débat au cours de laquelle le géographe Pascal Clerc a répondu à la question : « Entre les murs et hors les murs : quels espaces pour apprendre aujourd’hui à l’école ? »
Hors les murs de la MPM : en quête permanente d’invitations au changement
La MPM est là pour relever et relayer, au quotidien, les invitations venues de l’extérieur à élargir notre regard à l’échelle du système éducatif et à ouvrir des perspectives porteuses de sens pour les acteurs de l’éducation, dans et hors l’école.
C’est le cas lorsque, dans la Lettre d’info de mars du CICUR (Collectif d’interpellation du curriculum), Jean-Pierre Véran fait le constat de l’incapacité de l’actuelle « forme scolaire » à mettre en place une véritable « éducation aux médias et à l’information » (EMI) dans un monde livré aux fake news et aux « vérités alternatives » :
« L’éducation aux médias et à l’information dérange la politique des savoirs établie, cloisonnée en matière d’enseignement étanches, sans espace ni temps disponible pour envisager aisément de véritables démarches mobilisant de multiples domaines du savoir, démarches indispensables à l’acquisition d’une culture commune par tous les élèves. C’est cet ordre scolaire figé qu’il faut repenser si l’on veut enfin sortir des éducations trop souvent en trompe l’œil de notre école, comme nous y invite le CICUR ».
Dans la Lettre d’info du CICUR d’avril, c’est Régis Mallet qui plaide pour « un curriculum européen d’éducation à la démocratie », plaçant ainsi l’éducation à un haut niveau d’exigence dans un cadre spatial et temporel élargi :
« Selon Habermas, la démocratie exige, pour persévérer, des citoyens capables de dialogue et de participation active, compétences que seule l’éducation à l’esprit critique peut cultiver. Les transitions globales, géopolitiques et technologiques imposent aux démocraties européennes de coordonner leurs priorités éducatives pour concilier ces impératifs démocratiques et une vision stratégique à long terme. L’éducation à la citoyenneté démocratique s’affirme dès lors comme un bien commun éducatif européen qui, inscrit dans le temps long, transcende les particularismes nationaux sans les effacer, et qui, tout au contraire, honore la diversité culturelle en cultivant les valeurs universelles fondatrices d’une éducation démocratique. »
Puis, quelques jours après, c’est Stéphane Germain, principal de collège qui, dans l’Expresso du Café pédagogique du 10 avril, fait de la liberté pédagogique des enseignants un atout majeur du « bon fonctionnement du service public » :
« Sans la reconnaissance pleine et entière de cette liberté, il est facile pour un gouvernement malintentionné, d’instrumentaliser l’éducation en imposant, de façon autoritaire, des approches pédagogiques qui n’ont pas la légitimité de celles qui sont reconnues par la communauté des praticiens. En France, la liberté pédagogique des enseignants n’est pas effective. La dissociation n’a pas été opérée : les programmes scolaires sont prescriptifs, à la fois, des attendus nationaux et des méthodes pédagogiques pour les atteindre. Beaucoup estiment qu’il s’agit là d’un manquement qui affecte le bon fonctionnement du service public et sa sérénité. Certains estiment qu’il faudrait une forme de protection constitutionnelle à la liberté pédagogique : un article qui poserait le principe de façon claire en entérinant la dissociation. Une convention citoyenne permettrait de porter ce sujet au débat public en remontant au grand jour les inquiétudes légitimes sur les entraves à la liberté pédagogique. »
Et puis, au moment même de mettre un point final à ce Billet mensuel de la MPM, c’est Pascal Clerc qui revient vers nous et nous fait le cadeau de son dernier article, dans l’exact prolongement de son intervention du 25 mars, avec cette invitation :
« Ne faudrait-il pas repenser la forme scolaire pour dépasser la contradiction apparente entre l’école comme territoire et l’école comme réseau ? D’une part assurer la sécurité physique, affective et pédagogique de chacun grâce à une présence humaine accrue, d’autre part inscrire nos écoles dans des réseaux, avec d’autres écoles, avec des centres de ressources, des bibliothèques, des musées… avec des outils numériques maîtrisés mais aussi en allant « à la rencontre de la vie ».
C’est dans ces allers-retours constants entre le dedans et le dehors de murs qui n’existent pas, dans ces échanges entre participants à nos Rencontres et avec nos empêcheurs de tourner en rond à distance que se trouve aujourd’hui la principale raison d’être de la Maison de la Pédagogie de Mulhouse. La MPM n’est pas porteuse d’un projet éducatif précis. Mais, dans une période de grande incertitude, de grandes inquiétudes sur le devenir de notre école, elle accueille toutes celles et tous ceux qui cherchent ou qui apportent des raisons d’espérer en des jours meilleurs.