Billet MPM - Décembre 2022

 

Germaine, Patrick, Bernard, Philippe, Laurence... et la MPM

 

 

Qu'est-ce que
la pédagogie ?
 
"Vous faites quoi
à la MPM ?"
 

La MPM a fêté son 5e anniversaire et les 100 ans de l’Éducation nouvelle

Trace de la journée du 09 octobre 2021PDF.png
 

 

Ce Billet MPM de décembre est la suite directe et logique de celui de novembre. Nous ne pouvions pas laisser plus longtemps les fidèles lecteurs de ce Billet (et les autres) sans apporter des éléments de réponse  à « ce que vous avez toujours voulu savoir sur la pédagogie et l’éducation sans avoir jamais osé le demander ». Nous livrons ci-dessous quelques éclairages fournis par les cinq personnes dont les prénoms figurent dans le titre de ce dernier Billet de l’année 2022. Avec, dans la hotte de la MPM, quelques cadeaux pédagogiques à savourer sans modération.

Les participants à la Rencontre avec les grands pédagogues du 14 novembre nous disent en quoi il est bon d’aller à la rencontre de celles et ceux qui ont marqué l’histoire de la pédagogie et de l’éducation, comme Germaine Tortel.

 

Germaine Tortel et la créativité

Comme d’habitude, le petit film documentaire réalisé il y a plus de 20 ans par Philippe Meirieu pour sa série « L’éducation en questions », a permis de faire connaissance avec une pédagogue trop peu connue.

Comme le fit également Élise Freinet, créatrice de l'idée d'Art enfantin, Germaine Tortel (1896-1975) a porté un regard neuf sur les productions des enfants et en particulier sur le dessin. La création plastique est, pour elle, un mode d'apprentissage qui permet d’appréhender le lien entre le monde intérieur de l’enfant et le monde dans lequel il vit. Dessiner, c’est dire quelque chose du monde. C’est l’intersection entre l’objectivité et la subjectivité.

Mais, au-delà de la découverte du rôle de Germaine Tortel dans la valorisation de la créativité des enfants dans les apprentissages, les échanges entre participants à la Rencontre ont permis d’interroger la place de la créativité des élèves dans l’école et les pratiques des enseignants d’aujourd’hui.

Dans notre monde de zapping, on souligne l’importance de revenir à quelque chose où on est présent à ce qu’on fait et à soi-même! Des retours d’expérience font le constat que les niveaux dans les classes de maternelle sont très hétérogènes et que le langage est bien souvent pauvre, voire absent. Certains enseignants préfèrent donc passer par un apprentissage d’outils et de graphismes avant de laisser les enfants s’exprimer librement… Et les échanges se poursuivent sur les conditions de la création en classe, entre liberté et contraintes, individuel et collectif, spontanéité et effort…

À suivre dans la trace de cette rencontre qui ouvre sur de nombreuses interrogations.

 

Patrick Rayou et le travail personnel de l’élève hors la classe

Le vendredi 18 novembre, c’est Patrick Rayou, Professeur émérite de sciences de l’éducation à l’Université Paris 8, qui s’est entretenu  avec des membres du collectif et des parents du Quart-lieu apprenant de Bourtzwiller dont la MPM est partie prenante. Il s’agissait de mettre le projecteur sur la question : Pourquoi le travail personnel des élèves hors la classe doit-il mériter toute notre attention ? Un sujet que connait bien notre interlocuteur puisqu’il a coordonné l’ouvrage Faire ses devoirs, paru en 2010 et qui présente des observations et des analyses très fines de situations d’aide au travail personnel des élèves dans des contextes variés.

Que peut-on retenir de cette séance d’échanges très riches entre le chercheur et les participants à cette rencontre ?

D’emblée, P. Rayou répond à la question du « pourquoi » du travail personnel de l’élève hors la classe ; c’est une nécessité dans le processus d’apprentissage : s’exercer, s’entraîner… sont des gestes constitutifs de l’acte d’apprendre à l’école, c’est-à-dire dans un monde différent de celui de la vie courante. D’ailleurs, jusqu’au début du XXe siècle, la prise en charge de ces activités faisait partie intégrante du temps passé à l’école.

Depuis, les « devoirs à la maison » constituent une forme d’externalisation de cette étape de l’apprentissage en direction des parents, dont le rôle n’est pas de suppléer à l’enseignant. Un transfert de compétences qui est souvent la source de nombreux malentendus entre les attentes de l’école et les contributions des familles ou des structures qui interviennent auprès des élèves dans leur travail personnel.

En fait, comme par un effet de boomerang, la question du travail hors la classe renvoie à ce qui se passe dans la classe et à la forme scolaire d’apprentissage. P. Rayou souligne l’importance de l’explicitation, de la part de l’enseignant, qui renvoie elle-même à une compréhension trop souvent insuffisante de leurs élèves par les enseignants, de leur façon d’apprendre, de leur rapport à l’école, aux savoirs, à l’apprendre…

Au final, ce qui est en jeu c’est ce que P. Rayou  appelle la « boucle didactique », c’est-à-dire le retour vers l’enseignant des informations récupérées auprès des élèves, par les parents, les divers intervenants péri ou extra-scolaires, ou par l’enseignant lui-même (par exemple dans le cadre du dispositif « Devoirs faits » pour le collège). Ceci afin de permettre à ce dernier de mieux comprendre le « fonctionnement » de ses élèves et, ainsi, de faire évoluer ses pratiques d’enseignement-apprentissage.

Et la boucle est bouclée : le plus important dans tout cela, c’est la capacité des différents acteurs, à écouter les élèves… donc à prendre leur parole au sérieux.

En tout cas, le travail personnel de l’élève hors de la classe est une bonne porte d’entrée dans la complexité du système éducatif. L’enjeu est de taille : la place accordée au travail personnel de l’élève est un facteur déterminant dans sa réussite. Il peut vite devenir un facteur d’inégalités scolaires. Une invitation à mieux articuler le travail de l’élève dans et hors la classe. Un beau chantier pour le Quart-lieu apprenant de Bourtzwiller.

>>> On peut consulter le diaporama utilisé par P. Rayou pour introduire la rencontre

>>> On peut aussi se reporter à la trace de la rencontre-débat du 8 décembre 2016 avec le même P. Rayou (« Que faire pour ces élèves qui ne comprennent pas ? »).

 

Patrick Rayou et la place des contenus d’enseignement dans les inégalités scolaires

La veille, jeudi 17 novembre, Patrick Rayou était déjà intervenu pour nous dire pourquoi les contenus d’enseignement méritent qu’on s’intéresse de près à eux.

P. Rayou travaille depuis longtemps sur la question des inégalités d’apprentissage dans notre école. Il a commencé son exposé par une présentation de différentes enquêtes qui, à intervalles réguliers, attestent du creusement des inégalités scolaires en France et qui fait de notre école l’une des plus mauvaises élèves de l’OCDE.

Ces constats sont bien documentés et relativement bien connus. Ce qui l’est moins, c’est le rôle des

contenus d’enseignement dans la production des inégalités scolaires. Plus précisément, c’est le curriculum français qui est interpellé, c’est-à-dire, à côtés des programmes des différentes disciplines, les valeurs qui les sous-tendent, les méthodes d’enseignement et les modalités d’évaluation des acquisitions des élèves.

P. Rayou a donc poursuivi sa présentation en faisant part des réflexions menées dans le cadre du CICUR (Collectif d’interpellation du curriculum) dont il est l’un des initiateurs et des animateurs.

Le CICUR met en avant le sens des savoirs scolaires pour les élèves et le monde dans lequel ils vivent. L’absence de sens est souvent source d’ennui, de manque d’implication dans les apprentissages, notamment chez les jeunes de milieux populaires. De plus, l’école française privilégie les savoirs conceptuels au détriment de ceux issus du faire et prend insuffisamment en compte les connaissances des élèves pour les faire accéder aux savoirs validés par l’institution scolaire.

Notre invité a terminé (hélas trop vite) en présentant les 6 approches qui permettent d’ouvrir des pistes pour aller vers un autre curriculum porteur d’un autre imaginaire éducatif :

  • le chaos curriculaire, qui se traduit par exemple par un déphasage entre les finalités d’apprentissage des différentes disciplines et les stratégies des élèves et des parents dans le cursus de formation
  • les finalités de l’enseignement : comment les différents savoirs pourraient être rattachés à la triade de la devise républicaine ;
  • les pouvoirs organisateurs : qui a légitimité pour décider des contenus d’enseignement aux différentes échelles, de l’établissement aux organisations internationales ?
  • savoirs scolaires et non-scolaires : l’école doit-elle exclure les savoirs non-scolaires ou les intégrer pour les interroger ?
  • le temps et l’organisation scolaires : il s’agit d’interroger ici les découpages temporels, les modes de regroupement des élèves, les modalités d’évaluation à l’aune de la diversité de maîtrise des savoirs en jeu ;
  • les enseignants et le curriculum : au terme de ce passage en revue, on touche inévitablement à la question de la formation des enseignants…

Et tout cela avec, en surplomb, l’interrogation sur ce que pourraient être des contenus d’enseignement capables de constituer les bases d’une culture commune dans un monde de l’incertitude et de profondes mutations. On le voit : remettre en cause les savoirs scolaires, c’est remettre en question l’ensemble du système éducatif.

>>> En attendant la prochaine mise en ligne (sur le site de la MPM) de la « trace » de cette rencontre-débat, on peut se reporter au diaporama transmis par P. Rayou. 

 

Bernard Charlot, Philippe Meirieu et Laurence de Cock
En quoi l’Éducation nouvelle peut-elle contribuer à l’émergence d’un avenir commun désirable ?

« Le monde que nous voulons, les valeurs que nous défendons » : tel est le sous-titre du Manifeste publié à l’occasion de la 3e biennale de l’Éducation nouvelle qui s’est déroulée à Bruxelles, du 29 octobre au 1er novembre dernier… et à laquelle la MPM était représentée par 2 membres du Comité d’animation, en quête d’éléments de réponse à la question ci-dessus.

L’anthropologue en éducation Bernard Charlot a ouvert la Biennale avec cette question : « Qu’avons-nous à dire aux jeunes aujourd’hui à l’école ? » La jeunesse va devoir accepter un monde plus incertain et difficile. Nous avons donc à faire et refaire que l’école soit un endroit où les jeunes aient envie de parler de l’avenir.

Au terme d’un exposé qui reprend son dernier ouvrage, Education ou barbarie (Economica-Anthropos, 2020), qui fait de l’Homme une aventure permanente, il en appelle à une anthropo-pédagogie contemporaine, en rupture avec, tout à la fois, les contenus, les méthodes d’enseignement et les processus d’évaluation qui structurent nos systèmes éducatifs. Il termine en énonçant ce qui constitue pour lui l’équation pédagogique fondamentale : apprendre = activité intellectuelle + sens + plaisir.

Pendant 4 jours, plus de 500 personnes venues de 23 pays ont participé à des débats, des ateliers, des rencontres informelles pour interroger la capacité de l’Éducation nouvelle à relever les défis éducatifs, politiques, sociaux, écologiques, culturels de notre temps.

Dans sa conférence de clôture, Philippe Meirieu a rappelé ce qui fait vibrer la corde de l’Éducation nouvelle chez celles et ceux qui continuent de s’en réclamer :

« Alors, 100 ans après 1921, sommes-nous condamnés, comme le disent parfois ceux qui nous regardent avec un peu de hauteur, de manière un peu hautaine, à n’être que des attrapeurs de nuages qui se déroberont toujours ? Ou bien, pouvons-nous, sans rien renier de nos valeurs fondatrices, agir ensemble, là maintenant, dès aujourd’hui, dans le monde que nous vivons ? Non pas nécessairement en résistance, en combat, mais en résonance avec lui. En restant attentifs à ce qu’il nous dit et en recherche permanente à ce que nous pouvons pour lui. »

Et P.Meirieu d’évoquer en quoi le mouvement Convergences pour l’Éducation nouvelle, porteur de cette 3e Biennale, peut donner un nouvel élan pour toutes celles et ceux qui pensent que l’Éducation nouvelle peut contribuer à la venue d’un avenir commun désirable .

« L’Éducation nouvelle nous dit que l’humain déborde toujours et que c’est dans ce débord de toutes les étiquettes que l’humain se retrouve, que les humains se retrouvent. Et le plus souvent, et ça été pour moi très fort durant ces journées, le plus souvent parce qu’ils partagent leurs questions, plus que parce qu’ils partagent leurs réponses. Oui, je crois qu’une des caractéristiques de ce qu’on appelle l’interculturalité que nous avons vécue pendant ces journées, c’est que les questions nous rassemblent quand les réponses parfois nous divisent. Et il est légitime que les questions nous rassemblent et qu’elles nous rappellent que nous sommes humains, ensemble confrontés au même problème. Et il est légitime que les réponses soient singulières, relatives aux engagements et aux contextes. Il ne faut jamais oublier que même si les réponses nous divisent, il y a toujours des questions qui nous rassemblent. Et que c’est autour de ces questions que nous pouvons ensemble promouvoir notre commune identité. »

À la suite de Philippe Meirieu, Laurence de Cock, historienne de l’éducation, est revenue sur la dimension éminemment politique de l’éducation et de l’enseignement dans une période d’incertitude et de bascule comme celle que nous vivons. Elle a invité les participants à se retrousser les manches et à faire de l’émancipation, individuelle et collective, une cause commune à tous les tenants de l’Éducation nouvelle.

>>> Pour retrouver B.Charlot, en séance d’ouverture

https://convergences-educnouv.org/la-seance-douverture-de-la-biennale-2022-a-bruxelles/

>>> Pour retrouver Philippe Meirieu et Laurence en séance de clôture

https://convergences-educnouv.org/la-seance-de-cloture-avec-lintervention-de-laurence-de-cock-et-philippe-meirieu/

 

Et la petite Maison de la Pédagogie de Mulhouse dans cette Biennale internationale ?

Ses deux représentants ont aussi participé à la Biennale pour témoigner de l’existence d’une association qui, depuis sa création, il y a 7 ans, prétend « vivre les convergences pour l’Education nouvelle à l’échelle locale ». Malheureusement, des déconvenues de dernière minute ne leur ont pas permis de présenter les affiches réalisées par le Comité d’animation…

Mais c’est bien l’activité déployée au sein de la MPM dans la durée, dans la proximité entre ses membres, dans le faire ensemble, entre convergences et divergences, entre le dire et le faire, que s’inscrivent sur le terrain et se rendent visibles et palpables les grandes orientations du Manifeste pour l’Éducation nouvelle.

 

La MPM souhaite de très bonnes fêtes de fin d’année aux fidèles lecteurs de son billet en espérant que la nouvelle vague de la Covid n’empêchera pas l’Assemblee. générale de se tenir en presentiel le 25 janvier 2023.

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